Horizon(s)

2019

2021


Ilanit Illouz

Ilanit Illouz




Les œuvres d’Ilanit Illouz se glissent aux interstices de la matérialité photographique pour sonder des territoires en latence. Elles prennent racine dans la mémoire du corps face à des lieux modelés par l’Histoire, et qui façonnent, à leur tour, des trajectoires intimes et personnelles.

C’est notamment au croisement d’enjeux sociétaux et de sa propre histoire familiale, faite de migrations et d’identités multiples, que l’artiste tisse la trame de fond de ses recherches. Du quartier de la Cayolle à Marseille au Désert de Judée, en passant par le Musée de Minéralogie de l’école des Mines à Paris, elle mène des enquêtes de terrain à travers une approche qui se veut à la fois sensible et documentaire. Pour ce faire, elle applique des protocoles de marche et d’exploration qui l’amènent à arpenter des sites, préalablement ciblés, à la recherche de possibles indices poétiques. L’objectif photographique lui sert alors d’outil cartographique tandis que ses mains auscultent et prélèvent des fragments de paysage. De retour à l’atelier, les traces et images rapportées de ses incursions sont ensuite remaniées, ré-agencées, confrontées à de nouvelles observations et mises en situation, sculptant ainsi le souvenir comme une matière à part entière, vivante et évolutive.

La série Les Dolines, réalisée entre 2016 et 2021, s’inscrit dans ce processus à la temporalité dilatée, où la phénoménologie de l’expérience rythme l’apparition progressive d’images. Alors que l’artiste mène l’enquête sur le camp de migrants du Grand Arena (1944-1966) à Marseille, ses investigations l’amènent, par ricochets, à s’intéresser au Désert de Judée où résidait une ancienne migrante passée par le camp. Elle découvre alors cette zone géographique si particulière, située à la frontière entre Israël et la Cisjordanie, où le fleuve Jourdain se jette dans la Mer Morte. Elle se confronte à la catastrophe écologique qui s’y produit depuis plusieurs décennies : la surexploitation du fleuve par les États frontaliers provoque un assèchement irréversible et une altération profonde des sols. L’eau très salée de la Mer Morte ne cesse de reculer, laissant derrière elle une terre gorgée de sel qui, infiltrée par l’eau douce au moment des pluies, conduit à son propre effondrement. De larges cratères apparaissent et creusent ces fonds marins asséchés, tristes symptômes de ce phénomène que les géologues appellent “doline”.

2021